UN CONTEXTE NATIONAL CONFLICTUEL
La Colombie est marquée par de profondes crises. Depuis plus de 50 ans elle subit un conflit armé interne impliquant l’État, les paramilitaires, les guérillas et les trafiquants de drogue. La Colombie fait également face à une grave crise sociale, avec une société fortement divisée et de grandes inégalités. Cette situation engendre de nombreuses violations des droits humains.
UN CONFLIT ARMÉ NON RESOLU
En 2016, la signature des accords de paix à La Havane entre le gouvernement colombien et les FARC (Forces armées révolutionnaires de la Colombie) a officiellement mis fin au conflit armé. Cependant, le processus de paix n’a toujours pas abouti. Les négociations avec la guérilla de l’Armée de libération nationale (ELN) ont été suspendues et les groupes paramilitaires et le trafic de drogue continuent de se renforcer. Malgré la création par les accords de la Juridiction Spéciale pour la Paix (JEP), destinée à faciliter la réconciliation nationale et à aider les victimes du conflit, la population continue d’être victime d’abus. Les assassinats d’avocats en Colombie n’ont jamais cessé. En 2021, cinq avocats ont été tués en lien avec leur exercice professionnel.
PRESSION DES PROTESTATIONS SOCIALES
En 2021, l’ensemble des citoyens du pays ont manifesté contre le gouvernement à propos d’un projet de réforme fiscale qui leur serait préjudiciable. Le gouvernement a réprimé ces protestations, réagissant par une attaque brutale contre l’État de droit, qui a été dénoncée par la Commission interaméricaine des droits humains et de nombreuses organisations nationales et internationales. Cette situation a entraîné une augmentation considérable de la demande d’assistance juridique pour les victimes de détention, de torture, de disparition, d’agression sexuelle et d’autres attaques. Les avocats engagés qui se chargent de ces affaires sont souvent victimes de représailles.
LES AFFAIRES SENSIBLES
Les affaires que l’on peut considérer comme sensibles pour les avocats en Colombie, sont celles qui portent sur des dossiers de restitution de terres, les exécutions extrajudiciaires, l’environnement ou encore celles portées devant la Juridiction Spéciale pour la Paix. Les représailles à l’encontre des avocats s’amplifient encore lorsqu’ils dénoncent les liens présumés entre les groupes paramilitaires, les guérillas et les autorités.
Le schéma de harcèlement se répète : surveillance, vol de matériel professionnel, décrédibilisation des activités professionnelles menaces de mort à l’encontre des avocats et de leurs familles. Le niveau de menaces et de violence est parfois tellement élevé que les avocats sont contraints de s’exiler. Les avocats de la défense sont confrontés à des pressions qui entravent leur travail.
L’État colombien n’offre pas une protection juridique et policière effective dans ces cas. Bien au contraire, les agences de renseignement de l’État mènent fréquemment contre les avocats des opérations de surveillance illégale. L’utilisation de procédures baillons qui consistent à menacer les avocats de poursuites judiciaires à leur encontre est une autre technique de répression couramment utilisée.
L’ABSENCE D’UN BARREAU PROTEGEANT LES AVOCATS
Les 334.508 avocats colombiens en exercice ne disposent pas d’une institution officielle à caractère professionnel visant à soutenir, garantir et protéger le libre exercice de la profession d’avocat.
Le Consejo Superior de la Judicatura (Le Conseil national de la Justice colombien), regroupe l’ensemble des magistrats, des juges, des procureurs et des avocats. À l’égard des avocats, il est en charge de leur enregistrement et à leur contrôle disciplinaire. Cet organe qui dépend du ministère de la Justice, ne remplit pas les critères d’indépendance et d’impartialité à même de protéger l’exercice de la profession.
L’absence d’unité et d’indépendance institutionnelle de la profession est un facteur de fragilisation supplémentaire des avocats qui travaillent sur des dossiers sensibles et sont victimes d’assimilation à leur client ou à la cause qu’ils défendent.
PORTRAITS D’AVOCATS MENACÉS
Reinaldo Villalba Vargas
Menacé pour avoir participé à la lutte contre l’impunité de l’ancien président Alvaro Uribe
Reinaldo Villalba Vargas représente le sénateur Iván Cepeda dans l’affaire instruite par la Cour suprême de justice de Colombie contre le sénateur et ancien président Alvaro Uribe Vélez. Une affaire qui a eu un impact retentissant dans le pays, puisque Alvaro Uribe est devenu le premier ancien président colombien à témoigner devant la Cour suprême de justice pour des crimes commis pendant le conflit armé entre l’État et les guérillas. Depuis que l’avocat a accepté cette l’affaire, il a été victime d’une campagne de diffamation visant à le définir comme un défenseur du terrorisme et un collaborateur de la guérilla.
Adil Jose Meléndez Marquez
Persécuté pour avoir pris la défense des communautés afro-colombiennes
Adil défend les droits des communautés afrocolombiennes dans la région de Bolivar. Spécialiste de la restitution de terres, de l’environnement et de la poursuite d’actes paramilitaires, son cas illustre parfaitement la violence et le manque de protection dont souffrent les rares avocats qui se risquent à défendre ces dossiers. Adil a reçu des menaces de mort de la part de groupes paramilitaires et a survécu à trois tentatives d’assassinat. Son téléphone a été placé sur écoute et il est sous surveillance.
Bien que la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) ait demandé au gouvernement colombien d’adopter des mesures de protection pour l’avocat en 2006, celles-ci se sont avérées insuffisantes. Malgré les risques qu’il encourt chaque jour, Adil continue de travailler sans relâche pour la justice.
Zoraida Hernández Pedraza
Contraint à l’exil : prit pour cible par des groupes paramilitaires
Zoraida représente des victimes de graves violations des droits humains et a conseillé des communautés de paysans et d’Afro-descendants pour qu’ils revendiquent leurs droits en Colombie. Elle a été conseillère juridique lors des pourparlers de paix entre le gouvernement colombien et la guérilla de l’Armée de libération nationale (ELN). En raison de son travail, elle fait l’objet de menaces et de persécutions constantes notamment l’interception de ses communications, surveillance de ses faits et gestes. À tel point que sa tête a été mise à prix par des groupes paramilitaires dans plusieurs régions de Colombie. Zoraida a été contrainte de s’exiler.
Germán Romero Sánchez
Menacé pour avoir participé aux poursuites à l’encontre des officiers militaires.
Germán Romero est un avocat spécialisé dans les droits humains. Il est persécuté pour avoir cherché à lever le voile sur les crimes impliquants des officiers de haut rang de l’armée nationale. Victime de vol d’informations et de matériel informatique, il a ensuite été la cible de contrôle et de surveillance de ses activités professionnelles et personnelles. German Romero a également été victime de menaces de mort par téléphone. Malgré les plaintes de l’avocat concernant les attaques qu’il a subies, aucune enquête pénale ou disciplinaire n’a progressé.
Les mesures de protection accordées à Romero par les autorités gouvernementales depuis 2014 se sont révélées totalement insuffisantes. À tel point qu’en mi-2021, il a été contraint à quitter le pays pour rejoindre un programme de protection temporaire à l’étranger.
DOCUMENTATIONS
Matériel à disposition pour la Journée Mondiale 2022 que vous pouvez librement utiliser et diffuser :
- Un document relatif à la Journée mondiale dédiée à la Colombie 2022
Français/ Anglais/ Espagnol/ Italien/ Allemand
- Un kit de mobilisation sur la Journée Mondiale :
Français/ Anglais/ Espagnol/ Italien/ Allemand
Pour plus d’informations sur la situation des avocats en danger en Colombie, veuillez lire le rapport de la coalition Day of Endangered Lawyer au LIEN suivant.