5 août 2025
L’avocat salvadorien Enrique Anaya, associé fondateur du cabinet Anaya-SJE, a été victime d’une détention qualifiée d’illégale par des organisations de défense des droits humains au Salvador. Spécialiste en droit constitutionnel, l’avocat s’est imposé comme l’une des voix critiques du gouvernement de NayibBukele, allant jusqu’à le qualifier de dictateur. Au moment de la détention de l’avocate Ruth López, Anaya avait dénoncé plusieurs irrégularités qui auraient été commises lors de celle-ci.
Le 7 juin 2025 à 14h30, Enrique Anaya a été arrêté sans mandat d’arrêt officielpar 12 agents en uniforme et 4 civils, qui ont fait un usage excessif de la force bien qu’il n’y ait eu aucune résistance, allant jusqu’à braquer une arme sur son fils. Lors de son arrestation, il a été menotté et contraint de poser pour une photographie publiée par le Bureau du Procureur général de la République, l’exposant publiquement de manière humiliante.
Après son arrestation, il n’a pas été clairement informé des charges retenues contre lui pour blanchiment d’argent et ses avocats ont rencontré des obstacles pour obtenir des informations sur son lieu de détention. Entre le 7 et le 9 juin, il a été transféré à différents endroits sans qu’aucun registre officiel de transfert n’ait été établi. Il est passé par « el Penalito », l’Institut de médecine légale et la Division de la circulation de la Police nationale civile, où sa présence a été confirmée le lundi9 juin à 9h15. Pendant cette période, son lieu de détention et son état de santé étant inconnus, une alerte pour disparition forcée a été lancée.
Le mardi 10 juin 2025, les 72 heures de sa détention sans décision judiciaire étaient écoulées, dépassant la limite constitutionnelle ; ce même jour, il a été secrètement transféré à l’hôpital Zacamil en raison de son état de santé, sans qu’aucun registre officiel n’en fasse mention.Après ce séjour hospitalier, il a été transféré le même jour au centre pénitentiaire « La Occidental ». Les conditions de détention se sont révélées précaires : cellules exiguës avec des matelas insalubres, des sanitaires sans porte et des visites professionnelles et familiales limitées à cinq minutes, souvent sans confidentialité.
Le vendredi 13 juin 2025, un recours en habeas corpus a été présenté devant la Chambre constitutionnelle, dénonçant l’arbitraire de la détention, l’abus du régime d’exception et l’absence d’informations sur l’inculpation et son état de santé.
Ce habeas corpus a été partiellement rejeté le 21 juin, le tribunal décidant de maintenir la détention de l’avocat ; il a toutefois été partiellement admis en raison de la violation des droits à la santé et à la défense, sans par contre entamer sa mise en liberté. La procédure est actuellement en cours.
Depuis le 10 juillet 2025, l’avocat Enrique Anaya a été transféré dans un centre pénitentiaire où il n’est pas autorisé à recevoir la visite de sa famille ni de ses avocats. Ces faits se produisent dans un contexte d’hostilité croissante de l’État à l’égarddes organisations et des professionnels du droit qui défendent les droits humains au Salvador. L’approbation récente de la Loi sur les Agents étrangers, promue par le président NayibBukele, impose de restrictions sévères aux organisations qui reçoivent des fonds de l’étranger. Plusieurs voix nationales et internationales — dont la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH)[1] et Amnesty International[2] — ont averti que cette loi pourrait être utilisée comme un instrument pour réduire la société civile au silence.
La criminalisation de l’avocat Enrique Anaya s’ajoute à d’autres cas précédemment dénoncés par l’Observatoire international des avocats en danger (OIAD), tels que la détention de Ruth López[3] etAlejandro Henríquez[4], et représenteun nouveau jalon dans l’offensive de l’État salvadorien contre ceux qui défendent les droits fondamentaux, en particulier dans des contextes de grande vulnérabilité tels que le régime d’exception.
L’Observatoire maintient sa ferme condamnation du harcèlement persistant de la profession juridique salvadorienne engagée dans la défense des droits humains.
L’Observatoire exige des autorités salvadoriennes la libération immédiate de l’avocat Enrique Anaya.
L’Observatoire exhorte les autorités salvadoriennes à mettre fin à toute forme de harcèlement, d’intimidation ou de violence à l’encontre des avocats et des défenseurs des droits humains dans l’exercice de leurs fonctions, conformément aux Principes de base des Nations Unies relatifs au rôle du barreau.
[1]https://www.oas.org/pt/CIDH/jsForm/?File=/es/cidh/prensa/comunicados/2025/115.asp&utm_content=country-slv&utm_term=class-mon
[2]https://www.amnesty.org/es/documents/amr29/9100/2025/es/