GUATEMALA : INTERPOL refuse au parquet guatémaltèque l’activation d’une notice rouge en vue de l’arrestation de l’avocat Ramón Cadena
7 novembre 2024
Le 17 juillet 2024, l’Observatoire exprimait sa préoccupation quant au risque d’arrestation de l’avocat Ramón Cadena, en raison du fait que le bureau du procureur guatémaltèque avait demandé à INTERPOL d’activer des notices rouges à son encontre.
Récemment, INTERPOL a jugé que le ministère public guatémaltèque devait s’abstenir de demander des notices rouges visant des réfugiés ou des défenseurs des droits de l’Homme, comme dans le cas de l’avocat Ramón Cadena, injustement incriminé pour l’exercice légitime de sa profession.[1]
L’Observatoire salue la décision d’INTERPOL et exige la cessation de toute criminalisation et poursuite pénale à l’encontre de l’avocat Ramón Cadena et du reste de la profession juridique guatémaltèque.
L’Observatoire appelle les autorités guatémaltèques à respecter la mesure conservatoire 661-16 de la CIDH et à garantir le droit de l’avocat Ramón Cadena à un retour digne et sûr au Guatemala, ainsi qu’à l’exercice de sa profession sans intimidation.
L’Observatoire maintient sa ferme condamnation du harcèlement persistant par le bureau du procureur guatémaltèque des avocats engagés dans la défense des droits de l’Homme au Guatemala.
L’Observatoire rappelle que selon le principe 17 de la Havane, adopté en 1990 : « Lorsque la sécurité des avocats est menacée dans l’exercice de leurs fonctions, ils doivent être protégés comme il convient par les autorités. »
[1] Voir l’alerte OIAD du 17 juillet 2024 pour plus de détails.
GUATEMALA : Nouvelle tentative de criminalisation de l’avocat guatémaltèque Ramón Cadena
17 juillet 2024
Ramón Cadena est un avocat guatémaltèque reconnu pour sa brillante carrière dans la protection des droits humains. Il a fait l’objet de graves tentatives d’intimidation et de criminalisation à plusieurs reprises, et est actuellement victime d’un mandat d’arrêt émis par le bureau du procureur guatémaltèque, qui a demandé l’activation de notices rouges auprès d’INTERPOL.
Ramón Cadena est un avocat reconnu dans le domaine des droits humains au Guatemala. Il a défendu d’importantes affaires sur les droits des communautés locales, la lutte contre la corruption et le génocide du peuple Ixil pendant le conflit armé au Guatemala. Il a fait l’objet de persécutions constantes dans le cadre de l’exercice de sa profession.
Me Cadena a en outre été poursuivi pour avoir pris part aux conseils juridiques ad honorem fournis aux étudiants, aux enseignants et au personnel administratif de l’Université de San Carlos de Guatemala (USAC), dans le cadre du mouvement « Digna Resistencia »[1].
L’avocat a également participé à la conférence de presse organisée à l’USAC pour la restitution pacifique des installations du campus par les étudiants. Plusieurs médias, le grand public et des avocats spécialisés dans les droits humains, dont Ramón Cadena, ont participé à l’événement pour soutenir la défense des droits des étudiants.
Le 14 novembre 2023, des agents de la police nationale civile (PNC) et du ministère public (MP) ont perquisitionné son domicile dans le cadre d’une opération autorisée par le juge Victor Manuel Cruz Rivera, qui figure sur la liste des acteurs corrompus aux États-Unis. Outre la perquisition, un mandat d’arrêt a été lancé contre lui pour les délits présumés d’usurpation aggravée continue, de déprédation continue de biens culturels, de sédition continue et d’association illicite.
Ces intimidations ont eu lieu dans le cadre d’une vaste opération de perquisitions et de mandats d’arrêt contre certains membres du mouvement « Digna Resistencia » que l’avocat conseillait. Ramón Cadena affirme qu’il s’agit d’un nouveau prétexte pour le persécuter en raison de son rôle d’avocat des droits humains, la seule preuve présentée dans le cadre de cette procédure étant une vidéo montrant M. Cadena se promenant dans les locaux de l’USAC.
Ce n’est pas la première fois que l’avocat est victime de persécutions pénales infondées liées à l’exercice de sa profession. En janvier 2016, les avocats Ramón Cadena, Miguel Moerth et Rafael Maldonado ont été accusés de crimes graves pour avoir défendu des communautés affectées par un projet minier dans l’affaire « Resistencia la Puya ». Après deux ans d’enquête, la procédure a été close en raison du manque de preuves.
Depuis lors, une série d’épisodes de risque liés à sa profession se sont succédé : une effraction et un vol de son ordinateur à son domicile en août 2016, des campagnes de stigmatisation et des menaces, ainsi que des tentatives de criminalisation. Reconnaissant sa situation de risque, la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) a accordé, le 20 octobre 2016, la mesure conservatoire 661-16 à l’avocat Ramón Cadena, qui a été mise à jour et reste en vigueur aujourd’hui[2].
L’avocat Ramón Cadena a dû quitter temporairement le pays en raison du danger pour sa vie et son intégrité. Le risque d’arrestation de Ramón Cadena est actuellement préoccupant étant donné que le bureau du procureur guatémaltèque a demandé l’activation de notices rouges à INTERPOL le 16 juin 2024.
La persécution de l’avocat Ramón Cadena s’inscrit dans un contexte de grave détérioration de l’État de droit au Guatemala, identifiant un modèle de persécution systématique par le ministère public contre les avocats, les procureurs et les personnes impliquées dans la lutte contre la corruption et la défense des droits de l’homme [3].
L’Observatoire maintient sa ferme condamnation du harcèlement persistant contre les avocats guatémaltèques engagés dans la défense des droits humains.
L’Observatoire exige la cessation de toute criminalisation et de toute poursuite pénale à l’encontre de l’avocat Ramón Cadena et du reste de la profession juridique guatémaltèque.
L’Observatoire appelle les autrités guatémaltèques à respecter la mesure conservatoire 661-16 de la CIDH et à garantir que l’avocat Ramón Cadena puisse exercer sa profession sans intimidation.
L’Observatoire rappelle que, conformément aux principes fondamentaux des Nations Unies concernant le rôle du barreau, en particulier :
« Les pouvoirs publics veillent à ce que les avocats a) puissent s’acquitter de toutes leurs fonctions professionnelles sans entrave, intimidation, harcèlement ni ingérence indue; b) puissent voyager et consulter leurs clients librement, dans le pays comme à l’étranger; et c) ne fassent pas l’objet, ni ne soient menacés de poursuites ou de sanctions économiques ou autres pour toutes mesures prises conformément à leurs obligations et normes professionnelles reconnues et à leur déontologie. » (Principe 16)
« Lorsque la sécurité des avocats est menacée dans l’exercice de leurs fonctions, ils doivent être protégés comme il convient par les autorités. » (Principe 17)
« Les avocats ne doivent pas être assimilés à leurs clients ou à la cause de leurs clients du fait de l’exercice de leurs fonctions. » (Principe 18)
« Les avocats, comme tous les autres citoyens, doivent jouir de la liberté d’expression, de croyance, d’association et de réunion. En particulier, ils ont le droit de prendre part à des discussions publiques portant sur le droit, l’administration de la justice et la promotion et la protection des droits de l’homme et d’adhérer à des organisations locales, nationales ou internationales ». (Principe 23)
[1] La « Digna Resistencia » de l’Université San Carlos de Guatemala (USAC) a été créée à la suite d’une série d’attaques et d’actes violents sur le campus contre les étudiants, les enseignants, les autorités universitaires et les travailleurs, en représailles aux protestations et manifestations étudiantes dénonçant la fraude lors de l’élection de l’actuel recteur Walter Ramiro Mazariego Biolis. Le mouvement étudiant, enseignant et administratif de l’USAC s’est déclaré en « résistance digne », les étudiants prenant le contrôle des installations des différentes branches de l’université.
[2] Commission interaméricaine des droits de l’homme. Mesure de précaution 661-16. Disponible à l’adresse suivante : https://www.oas.org/es/cidh/decisiones/pdf/2016/mc661-16-es.pdf
[3] Rapport d’Amnesty International, mai 2024 : “Todo el sistema en contra, criminalización de mujeres operadoras de justicia y defensoras de derechos humanos en Guatemala”
Commission interaméricaine des droits de l’homme. Extrait du rapport annuel 2023 : chapitre IV.B : Guatemala : « (…) il existe une stratégie selon laquelle des plaintes fallacieuses sont déposées, des procédures préliminaires sont demandées et des mandats d’arrêt infondés sont délivrés, les enquêtes sont déclarées sous réserve jusqu’à ce que les personnes soient détenues ou s’exilent ».