Le 15 juin 2022, une délégation de l’OIAD, de l’Ordre des avocats de Genève et de secrétaires de la conférence du barreau de Paris se sont rendus à la 5ème audience du procès des personnes mises en causes dans l’affaire dite de l’assassinat du bâtonnier Tahir Elçi.
Pour rappel, Tahi Elçi, élu bâtonnier de Diyarbakir en 2012, avait collaboré avec des organisations nationales, internationales et non gouvernementales notamment au sujet du processus de résolution de la question kurde (processus de paix) en Turquie et de la promotion des droits des populations de la région kurde, principalement à Diyarbakır.
Le 28 novembre 2015, Tahir Elçi a été tué par balles lors de la tenue d’une conférence de presse qu’il avait organisée au pied du « minaret à quatre pattes » de Diyarbakır pour dénoncer les graves violations des droits de l’homme commises pendant les couvre-feux à Cizre, Sur, Silopi et Nusaybin, et pour lancer un appel public à la protection des biens culturels pendant le conflit.
S’agissant des causes de la mort de Tahir Elçi, Ahmet Davutoğlu, ancien Premier ministre, avait déclaré en septembre 2021 :
« Il s’agit d’un complot d’assassinat contre Tahir Elçi. La cible est claire, il s’agit de la Turquie. La deuxième possibilité est que, à la suite de l’attaque des terroristes, nos policiers aient tiré des coups de feu dans le but de protéger la population sur place et que Tahir Elçi ait été pris entre deux feux. Il n’y aura pas de meurtres non élucidés pendant notre mandat ».
L’enquête s’est pourtant enlisée pendant des années, raison pour laquelle les demandes réitérées d’investigation et de communication des avocats du barreau de Diyarbakir, parties à la procédure, sont essentielles pour parvenir au jugement de cette affaire.
A l’issue de l’audience du 15 juin 2022, et en présence de nombreuses délégations internationales, le Tribunal a rendu son délibéré sur les demandes présentées par les avocats:
- Le Tribunal a accepté la demande pour la remise des annexes du « rapport de recherche » du 23 juin 2017 concernant l’enquête ordonnée par le Ministère de l’intérieur,
- Le Tribunal a accepté que l’ex-Premier ministre Ahmet Davutoğlu soit entendu comme témoin lors de la prochaine audience.
- Le Tribunal a rejeté l’audition des témoins policiers
- S’agissant des caméras de vidéo-surveillance, le retour de l’expertise par l’institution de forensique est attendu.
- Le Tribunal a rejeté la demande s’agissant d’identifier les auteurs des courriels évoquant l’implication des services de renseignement, au motif que la recherche de son auteur pouvait compromettre sa sécurité.
- Le Tribunal a rejeté la demande d’audition du policier Ahmet Soylu (pseudonyme) et d’Aynur Güzel, qui semblent avoir envoyé les lettres de dénonciation dans le dossier d’enquête par e-mail.
L’affaire a été renvoyée au 23 novembre 2022 à 10h00.
Fin septembre 2022, le Tribunal de Diyarbakir a subitement informé les parties qu’à la suite d’une demande formulée par le Procureur, l’audition de l’ex-Premier ministre Ahmet Davutoğlu était annulée au motif qu’elle ne contribuerait pas à la manifestation de la vérité en l’état.
Le Bâtonnier de Diyarbakir a alors demandé la récusation du Président de la juridiction.
Les observateurs constatent que les parties n’ont pas été entendues avant ce revirement du Tribunal et s’inquiètent du déroulement de l’audience du 23 novembre 2023.
Les observateurs exigent la tenue d’un procès équitable respectueux des droits des parties et du principe du contradictoire.
Lire le communiqué de presse en turc.
Lire le rapport d’observation judiciaires complet en français, anglais et turc.