Biélorussie : l’OIAD dénonce et condamne le harcèlement des avocats.

Biélorussie : l’OIAD dénonce et condamne le harcèlement des avocats.

Au pouvoir depuis 26 ans, l’élection d’Alexandre Loukachenko pour un sixième mandat en août 2020 a soulevé une vague de protestations et de manifestations dans le pays. En effet, sa victoire des élections à 80% a soulevé de sérieuses contestations quant à la légalité de l’élection. Le climat de tensions qui règne depuis l’élection entre les manifestants et les opposants au régime d’une part et les forces gouvernementales d’autre part aggravent de plus en plus les conditions d’exercice des avocats.

Les avocats assistant juridiquement des manifestants anti-gouvernement se voient menacés d’arrestation, de suspension de licence et même de radiation du barreau. Selon la Fédération Internationale des ligues des Droits de l’Homme (FIDH), depuis l’été 2020, plus de 23 avocats ont été radiés du barreau. Les justifications de ces radiations sont souvent discutées.

Par exemple, l’avocat biélorusse Mikhail Kirilyuk qui représentait juridiquement un manifestant a subi des menaces et s’est vu retirer sa licence pour avoir émis des « commentaires grossiers » et des « déclarations publiques inacceptables » au sujet de « représentants du gouvernement ».

Plus récemment, le 6 septembre dernier, l’avocat Maksim Znak  qui représentait juridiquement Sviatlana Tsikhanouskaya, la principale concurrente d’Alexandre Loukacenko à l’élection présidentielle de 2020 et qui soutenait aussi Viktor Babariko, ancien candidat qui réunissait un grand nombre d’intentions de votes avant d’être arrêté pour « délits financiers », a été condamné à 10 ans de prison pour « complot visant à s’emparer du pouvoir par des moyens anticonstitutionnels », « création et direction d’une formation extrémiste », et « appels à des actions portant atteinte à la sécurité nationale » sur les médias. Cette condamnation a largement été dénoncée par des acteurs internationaux, comme le président du Parlement européen, David Sassoli, qui a déclaré : « Nous condamnons le verdict contre les militants biélorusses Maria Kolesnikova et Maxim Znak. Défendre la liberté et la démocratie ne sera jamais un crime ! Le Parlement demande leur libération immédiate et continuera de soutenir l’opposition en Biélorussie. »[1]

La situation se dégrade d’autant plus qu’Alexandre Loukahenko a approuvé en juin dernier une nouvelle loi qui dispose, entre autres, que seuls les candidats approuvés par le ministère de la Justice pourront exercer le droit. Cela revient à exercer un contrôle gouvernemental sur la profession d’avocat. Jusqu’à présent, tous les candidats devaient réussir l’examen du barreau avant de devenir avocat. En vertu de la nouvelle loi, le ministère de la Justice coordonne la composition des barreaux et n’impose qu’un stage de trois mois et un examen oral pour les membres de la police ou d’autres organismes d’enquête, s’ils sont nommés par leurs institutions respectives. Pour l’actuel ministre de la Justice biélorusse, Oleg Slizhevsky, l’objectif de la nouvelle loi, qui va entrer en vigueur à la fin de cette année, est « d’élever la qualité des professionnels du droit et d’améliorer leur plaidoyer ».[2]

La profession d’avocat en Biélorussie est donc plus que jamais menacée. Outre les persécutions subies par les avocats actuellement en exercice, les assimilations à leurs clients, les menaces, les arrestations, les suspensions de licences et les radiations arbitraires du barreau, le gouvernement va désormais pouvoir exercer un contrôle direct sur l’accès à la profession, en favorisant l’accès des membres des forces policières.

Il est crucial de rappeler que la protection de l’exercice libre et indépendant de la profession des avocats est une caractéristique révélatrice d’un Etat de droit efficace.

L’OIAD condamne fermement l’ingérence gouvernementale dans la profession des avocats biélorusse et est profondément préoccupé par les pressions subies par les avocats.

L’OIAD intime au gouvernement de Biélorussie de respecter les garanties relatives à la profession d’avocat, conformément aux Principes de base relatifs au rôle du barreau (1990), des Nations Unies :

« Les pouvoirs publics veillent à ce que les avocats puissent s’acquitter de toutes leurs fonctions professionnelles sans entrave, intimidation, harcèlement ni ingérence indue ; (…) ne fassent pas l’objet, ni ne soient menacés de poursuites ou de sanctions économiques ou autres pour toutes mesures prises conformément à leurs obligations et normes professionnelles reconnues et à leur déontologie. » (Principe n°16).

« Lorsque la sécurité des avocats est menacée dans l’exercice de leurs fonctions, ils doivent être protégés comme il convient par les autorités. » (Principe n°17).

« Les avocats ne doivent pas être assimilés à leurs clients ou à la cause de leurs clients du fait de l’exercice de leurs fonctions. » (Principe n°18).

« Les avocats bénéficient de l’immunité civile et pénale pour toute déclaration pertinente faite de bonne foi dans des plaidoiries écrites ou orales ou lors de leur parution ès qualités devant un tribunal ou une autre autorité juridique ou administrative. » (Principe n°20).

 

 

[1] Twitter, 6 Septembre 2021 (https://twitter.com/EP_President/status/1434874910426509316?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1434888584436326407%7Ctwgr%5E%7Ctwcon%5Es3_&ref_url=https%3A%2F%2Fadministration.actualitte.com%2Farticles%2F102286%2Fmodifier)

 

[2] “Belarus tightens grip on lawyers”, by Joanna Plucinska, Matthias Williams, Andrius Sytas on August 23, 2021, Reuters.com (https://www.reuters.com/article/uk-belarus-politics-lawyers-insight/belarus-tightens-grip-on-lawyers-idUKKBN2FO0SZ)