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CHINE : Sanction disciplinaire à l’encontre de l’avocat Lu Siwei pour la défense d’un avocat

 

Lu Siwei est un avocat chinois spécialisé dans le droit financier et le droit pénal. Il s’est également occupé d’affaires relatives aux droits de l’Homme. Il a notamment travaillé dans l’affaire de la saisie des terres du comté de Pengxi ainsi que dans l’affaire des bouteilles de vin du 4 juin. Dans cette dernière affaire, des militants des droits de l’Homme avaient créé et partagé sur les réseaux sociaux l’étiquette d’une bouteille d’alcool chinoise indiquant « 4 juin 1989 ». Il s’agissait d’un jeu de mots avec le nom de la liqueur pour commémorer les manifestations pro-démocratiques de la place Tiananmen.

Le 24 avril 2020 la Chengdu City Lawyer’s Association, branche de l’organisation « All China Lawyer’s Association » a sanctionné disciplinairement Lu Siwei. Le comité disciplinaire de cette agence d’État a estimé que Lu Siwei avait « violé les règles » de l’éthique professionnelle et du Code de discipline.

Il lui est reproché de représenter un autre avocat des droits de l’Homme, Chen Jiahong, emprisonné depuis avril 2019 pour « incitation à la subversion du pouvoir de l’État ». Ce dernier a été arrêté pour avoir critiqué le pouvoir en place dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux.  Après que Lu Siwei a pu s’entretenir avec lui en décembre 2019, il a révélé que son client avait été soumis à des traitements inhumains et dégradants. Mr Jiahong a en effet confié à son avocat avoir été privé de sommeil, ne pas avoir été nourri correctement, mais également avoir été soumis à d’autres formes de mauvais traitement dans le but de le forcer à admettre sa culpabilité.

Ce blâme écrit restera sur le dossier de Lu Siwei et pourrait avoir de graves conséquences lors de l’inspection de qualification des avocats. En effet, pour pouvoir exercer leur profession, les avocats chinois doivent disposer d’une licence soumise à un renouvellement annuel. Lors du renouvellement de cette licence, les autorités judiciaires examinent les affaires sur lesquelles l’avocat a travaillé durant l’année. Cette inspection annuelle est régulièrement utilisée pour radier temporairement ou définitivement, les avocats défendant des cas considérés comme sensibles et notamment les affaires portant sur les droits fondamentaux. Le rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de l’Homme a mis en lumière cette pratique dans son rapport de juillet 2019 sur l’impunité à l’égard des abus commis contre les défenseurs des droits de l’Homme.

Lu Siwei a par ailleurs été interpellé le 30 décembre 2019 alors qu’il se rendait à un Séminaire juridique à Hong Kong. Les autorités de l’immigration lui ont alors annoncé que les autorités judiciaires avaient décrété une interdiction de sortie du territoire à son encontre.

En mars 2020, les tribunaux ont informé Lu Siwei que son client, l’avocat Chen Jiahong, ne souhaitait plus qu’il continue à assurer sa défense. Il est très probable que Chen Jiahong ait été  contraint de prendre cette décision. Les autorités chinoises ont à plusieurs reprises forcé des prévenus/détenus à renoncer à l’avocat qu’ils avaient initialement choisi. En tenant les avocats engagés à l’écart des tribunaux, les autorités entravent gravement les droits de la défense et le droit à un procès équitable. Les mesures disciplinaires prises contre Lu Siwei sont une intimidation de plus à l’encontre des avocats défenseurs des droits de l’Homme afin qu’ils s’autocensurent et refusent d’eux-mêmes de défendre des affaires qui pourraient être considérées comme  « sensibles » par les autorités chinoises et leur porter préjudice.

 

L’OIAD condamne les tentatives d’intimidation à l’encontre des avocats et plus particulièrement la sanction disciplinaire ordonnée à l’encontre de Lu Siwei.

L’OIAD tient à rappeler aux autorités chinoises qu’aux termes des Principes de base relatifs au rôle du barreau des Nations Unies (1990) :

 « Les pouvoirs publics veillent à ce que les avocats a) puissent s’acquitter de toutes leurs fonctions professionnelles sans entrave, intimidation, harcèlement ni ingérence indue; (…) » (Principe 16).

 « Les avocats ne doivent pas être assimilés à leurs clients ou à la cause de leurs clients du fait de l’exercice de leurs fonctions» (Principe 18).

L’OIAD exhorte les autorités chinoises et la Chengdu City Lawyer’s Association de retirer sa sanction disciplinaire et d’abandonner toutes poursuites à l’égard de l’avocat Lu Siwei.