KAZAKHSTAN: Persécutions transnationales à l’encontre de l’avocate réfugiée Botagoz Jardemalie
21 janvier 2025
Suite aux perquisitions au domicile de Me Jardemalie, réalisées dans le cadre de la coopération pénale internationale avec le Kazakhstan, la Cour constitutionnelle belge a ouvert un droit de recours à l’avocate pour lui permettre de se défendre face à la répression transnationale opérée par le Kazakhstan. Toutefois, cet État a bénéficié d’un accès aux pièces du dossier et a été invité à la procédure par le ministère public belge.
Botagoz Jardemalie, avocate défenseuse des droits humains, n’a pas cessé de faire l’objet de persécutions malgré son statut de réfugiée en Belgique. L’État belge avait assuré que la collaboration avec le Kazakhstan serait gelée durant le traitement de ses recours. Pourtant, le Kazakhstan a reçu une copie des pièces d’exécution de la commission rogatoire kazakhe. Il a également été invité à assister à la procédure par le ministère public. Finalement, la chambre des mises en accusation de Bruxelles a déclaré que cette participation n’était pas légalement justifiée.
Le Kazakhstan avait envoyé une demande d’entraide judiciaire à la Belgique dans le cadre d’une procédure pénale ayant justifié l’octroi du statut de réfugié à Me Jardemalie, dont le frère a été arbitrairement arrêté et torturé au Kazakhstan.
Cette situation s’oppose totalement aux droits fondamentaux de la défense et aux obligations prévues par la Convention européenne des droits de l’homme. Les préoccupations exprimées par la défense de Me Jardemalie sont écartées au profit d’une confiance aveugle envers le Kazakhstan, État notoirement autoritaire, pratiquant la répression transnationale.
En 2019, le Groupe de travail sur la détention arbitraire, le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats et le Rapporteur spécial sur le droit à la vie privée avaient déjà interpellé la Belgique au sujet de la violation des droits de Botagoz Jardemalie[1].
L’Observatoire réitère son plein soutien à Me Botagoz Jardemalie.
L’Observatoire demeure très inquiet quant à l’entraide judiciaire entre la Belgique et le Kazakhstan qui met en péril les droits fondamentaux de l’avocate.
L’Observatoire appelle les autorités belges à garantir une sécurité et une protection effectives à Me Jardemalie et à faire preuve de vigilance contre les persécutions transnationales.
L’Observatoire exhorte les autorités kazakhes à cesser les persécutions transnationales à l’encontre de Me Jardemalie.
L’Observatoire rappelle l’article 3 de la Convention des Nations Unies contre la torture, qui dispose que « 1. Aucun État partie n’expulsera, ne refoulera, ni n’extradera une personne vers un autre État où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture. ; 2. Pour déterminer s’il y a de tels motifs, les autorités compétentes tiendront compte de toutes les considérations pertinentes, y compris, le cas échéant, de l’existence, dans l’État intéressé, d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives. »
L’Observatoire rappelle que, conformément aux principes de base des Nations Unies relatifs au rôle du Barreau, notamment les principes 16 et 17 :
« Les pouvoirs publics veillent à ce que les avocats a) puissent s’acquitter de toutes leurs fonctions professionnelles sans entrave, intimidation, harcèlement ni ingérence indue ; b) puissent voyager et consulter leurs clients librement, dans le pays comme à l’étranger; et c) ne fassent pas l’objet, ni ne soient menacés de poursuites ou de sanctions économiques ou autres pour toutes mesures prises conformément à leurs obligations et normes professionnelles reconnues et à leur déontologie. » (Principe 16)
« Lorsque la sécurité des avocats est menacée dans l’exercice de leurs fonctions, ils doivent être protégés comme il convient par les autorités. » (Principe 17)
[1] https://spcommreports.ohchr.org/TMResultsBase/DownLoadPublicCommunicationFile?gId=24908
KAZAKHSTAN: Perquisition des autorités belges et kazakhes au domicile de l’avocate réfugiée Botagoz Jardemalie
20 mars 2020
Le 1er octobre 2019, la police belge a mené une perquisition sans mandat au domicile de l’avocate défenseure des droits de l’Homme et réfugiée kazakhe en Belgique, Botagoz Jardemalie.
Selon les informations reçues, les autorités belges ont donné suite à une demande de coopération judiciaire de la part du Kazakhstan visant la réfugiée politique Botagoz Jardemalie, qui avait obtenu son statut de réfugié en 2013.
La perquisition s’est déroulée à son appartement alors que l’avocate était absente, et la police n’a présenté aucun mandat aux membres de sa famille qui étaient présents et qui en avaient demandé un. Par ailleurs, la police était accompagnée lors de la perquisition de deux fonctionnaires kazakhs (un magistrat et un membre des services anti-corruption) alors même que l’avocate avait obtenu le statut de réfugié en Belgique, du fait des persécutions du régime kazakh à son égard.
De nombreux outils informatiques et dossiers confidentiels ont été saisis lors de cette perquisition, ainsi que des données couvertes par le secret professionnel en lien avec ses activités d’avocate. Les codes d’accès saisis notamment à des boites mail, Facebook, Instagram ou autres réseaux sociaux ont été utilisés entre-temps pour faire intrusion dans les messageries de Mme Jardemalie.
Ces saisies pourraient avoir de graves répercussions sur la sécurité de l’avocate et de ses clients puisque ses messageries contenaient des communications privilégiées et confidentielles et des informations sensibles relatives à ses clients. Les saisies pourraient également avoir des conséquences pour la sécurité de son frère, Iskander Yerimbetov, détenu politique au Kazakhstan depuis le 13 novembre 2017. Des allégations de mauvais traitement et de torture à son encontre ont été signalées et mises en lumière pas plusieurs organisations de défense des droits de l’Homme. Le 20 novembre 2018, le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a conclu que la détention de M. Yerimbetov est arbitraire et illégale, en violation des articles 9 (droit à la liberté et à la sécurité de la personne) et 14 (droit à un procès équitable) du Pacte, et a demandé sa libération immédiate (lien vers la décision). M. Yerimbetov a également été internationalement reconnu comme prisonnier politique, notamment par le Parlement européen et le département d’État américain.
Lors d’une audience du 6 novembre 2019, le ministre de la Justice, Koes Geens, a pu s’expliquer sur un certain nombre de points relevés par des membres du Parlement fédéral de Belgique. Selon lui, cette coopération judiciaire s’appuie sur les Conventions des Nations Unies sur la criminalité organisée et la corruption, ainsi que la Convention européenne relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits des crimes, toutes ratifiées par la Belgique et le Kazakhstan. A la lumière de ces textes, la perquisition aurait ensuite été autorisée par le juge d’instruction.
Selon le ministre de la Justice, l’entraide judiciaire a été accordée afin de collecter des preuves dans une affaire de détournement de plusieurs milliards de dollars à laquelle serait liée l’avocate kazakhe. Des procédures similaires ont été autorisées en France, au Luxembourg, en Suisse et au Royaume Uni concernant ce même dossier. Le ministre ajoute que la qualité de réfugié n’offre pas une immunité à une personne coupable d’infraction.
Toutefois, les membres du Parlement ont rappelé que le Kazakhstan était connu pour son régime autoritaire, le harcèlement de ses opposants politiques, son état de corruption aux plus hautes fonctions du pays et pour l’absence d’indépendance de son système judiciaire.
Le 7 octobre, l’avocat Ronit Knaller a déposé une plainte criminelle au nom de Jardemalie pour accès non autorisé à un système informatique, vol de données électroniques, atteinte à la vie privée et autres infractions.
L’Etat belge qui a accepté une telle coopération avec le Kazakhstan, juge par ailleurs des « barbouzes » (espion) au même moment. En effet, deux agents de la Stasi est-allemande et un pseudo-journaliste allemand ont été condamnés le 29 novembre 2019 à deux ans de prison et 9600 euros d’amende pour association de malfaiteurs, corruption privée, harcèlement et violation de la loi sur les détectives à l’encontre de Mme Jardemalie. Ils avaient pour mission de recueillir des informations sur Mme Jardemalie qui défendait à l’époque les intérêts de l’homme d’affaires Mukhtar Ablyazov, opposant au pouvoir central kazakh.
Le Parquet fédéral soupçonnait les trois hommes d’avoir voulu l’emmener de force au Kazakhstan. L’Etat belge a déjà refusé deux demandes d’extradition du Kazakhstan à l’encontre de Botagoz Jardemalie.
Retrouvez le communiqué d’Open Dialogue concernant Mme Botagoz Jardemalie ici.
Retrouvez le compte-rendu de la Commission de justice du 6 novembre 2019 ici.
L’OIAD tient à exprimer sa vive préoccupation quant au harcèlement dont fait l’objet l’avocate Botagoz Jardemalie. L’OIAD s’inquiète pour sa sécurité ainsi que pour celle de sa famille.
L’OIAD demande aux autorités belges de bien vouloir cesser toute transmission de documents confidentiels, et notamment ceux couverts par le secret professionnel, aux autorités kazakhes compte tenu du risque élevé de répercussions graves sur la sécurité des personnes concernées.
L’OIAD rejoint le CCBE pour rappeler aux autorités belges et kazakhes les Principes de base des Nations Unies relatifs au rôle du barreau selon lesquels « les gouvernements doivent veiller à ce que les avocats (…) soient en mesure d’exercer toutes leurs fonctions professionnelles sans intimidation, entrave, harcèlement ou ingérence abusive » (Principe n°17).