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HONDURAS: L’avocat Victor Fernández menacé et harcelé

 18 mars 2019

L’Observatoire international des avocats en danger exprime sa profonde préoccupation concernant les attaques et menaces répétées contre l’intégrité personnelle et professionnelle de Victor Fernandez, un éminent avocat engagé dans la défense des droits de l’homme au Honduras.

Description de la situation :

Víctor Antonio Fernández Guzmán, avocat de renom, a été président de l’Association des procureurs du Honduras (AFH), de 2006 à 2008, au moment de la célèbre grève de la faim des procureurs qui a duré 38 jours, au cours de laquelle, en tant que président de l’AFH, il a assumé le rôle de principal porte-parole aux niveaux national et international.

Au cours des années suivantes et grâce à la consolidation du Large Mouvement pour la Dignité et la Justice (MAJD) par l’assemblée du 24 mai 2008, suite à la grève de la faim des procureurs, Victor Antonio Fernandez Guzmán, membre fondateur et coordinateur général du MADJ pendant 6 années sans interruption, a agi et continue d’agir en tant que représentant légal des communautés et des populations organisées pour la défense des ressources naturelles. À partir de 2009, il a assumé la représentation juridique du Conseil Civique des Organisations Populaires et Indigènes du Honduras (COPINH), ce qui a impliqué la dénonciation et diverses actions en justice contre 49 projets hydroélectriques sur le territoire Lenca, ainsi que la défense de Berta Cáceres dans le processus de criminalisation dont elle était victime. Depuis le 2 mars 2016, il assume la représentation en justice de la famille de Cáceres et du COPINH en tant que victimes dans l’affaire de l’assassinat de Berta Cáceres dans les différentes procédures ouvertes.

Pendant le coup d’État, Fernández Guzmán a agi en tant que représentant légal de personnes détenues et accusées arbitrairement, a dénoncé et plaidé des affaires contre des officiers supérieurs de l’armée, et a dénoncé la structure politique et militaire à l’origine du coup d’État. Plus récemment, il a été parti prenante des accusations portées contre la présidente du pouvoir exécutif, Hilda Hernández, la sœur du Président hondurien Juan Orlando Hernández. Il a également dénoncé le détournement de fonds de l’Institut Hondurien de la Sécurité Sociale (ISHH), demandant l’ouverture de lignes d’enquête sur le parti national du Honduras, entre autres. Enfin, le 7 décembre 2017, il a déposé une plainte auprès de la MACCIH pour « crime contre la démocratie hondurienne, corruption publique, usurpation de la volonté populaire, fraude électorale et violation du droit humain à la vie ».

Dans la dénonciation publique, il a indiqué que la structure criminelle à l’origine de ces délits compterait M. Juan Orlando Hernández, en sa qualité de président de la République et de candidat à la présidence de la République, le comité de campagne du Parti national, le comité central du Parti national, les trois magistrats du TSE, le cabinet du gouvernement actuel qui a signé le décret d’exception, n° PCM-084-2017 et les sociétés : Corporación Televicentro et Ingeniería Gerencial. De même, le Conseil des Commandants des Forces Armées du Honduras, qui a un rôle décisif dans la garde du matériel électoral, se porte garant de l’exécution violente de toute la conspiration. Ils ont par ailleurs pris le contrôle du territoire national, avec des excès notoires et criminels, après la mise en place du couvre-feu depuis le 1er décembre.

Compte tenu de la situation inquiétante et urgente dans laquelle Víctor Fernández se trouve en raison de sa profession, il a bénéficié en 2013 des mesures conservatoires 416-13 octroyées par la résolution 12/2013 de la CIDH, mais aussi de la mesure conservatoire 112-16 accordée par la résolution 8/2016 qui a été étendue aux proches de Berta Cáceres, à son équipe juridique et à divers membres du COPINH. Malgré cela, Fernández et son équipe, tous membres du Large Mouvement pour la Dignité et la Justice (MADJ) ont fait l’objet de diverses menaces tout au long de leur carrière professionnelle, qui se sont particulièrement multipliées depuis le 27 novembre 2017 dans le cadre de la fraude électorale subie au Honduras. Depuis cette date, ils ont subi plus de 30 attaques de différents types à ce jour.

Ces attaques vont des menaces aux perquisitions illégales, en passant par la surveillance et les atteintes à la liberté d’expression, la torture, les traitements cruels et dégradants, les assassinats/exécutions sélectives, les enlèvements, les détentions arbitraires, la surveillance, le harcèlement, les campagnes de haine et la criminalisation. 14 des membres de la MADJ sont ainsi en danger, dont 3 qui ont été expulsés définitivement de leur territoire. En octobre 2018, en une seule semaine, MADJ a été victime de l’enlèvement d’un de ses volontaires et de la détention arbitraire et injustifiée d’un mineur de 16 ans par la police nationale, pendant plus de 4 heures, car il était militant actif dans la zone de la côte atlantique du Honduras. Ces évènements ont eu lieu respectivement les 9 et 11 octobre.

Ces attaques contre le MADJ se sont multipliées ces dernières années en raison de la grande responsabilité qui lui incombe de représenter les communautés indigènes et rurales. Toutes ces attaques ont été dénoncées :

  • Campagnes de haine : dans le contexte de la crise postélectorale, le conflit à Pajuiles (Atlántida), à Azacualpa (Copán) et du conflit à Yoro, liés à des processus de litige et d’organisation politique en défense des actifs naturels mis en danger par les entreprises minières et hydroélectriques, les attaques ont principalement consisté en des publications via le réseau social Facebook contre le MADJ et ses membres, les accusant de faire partie d’une mafia commettant des assassinats. Il s’agit également des déclarations du président du comité de patronage de la municipalité de La Unión, qui a demandé à la corporation municipale de déclarer notamment les membres de MADJ comme des personas non gratas auprès des ONG qui opèrent dans la région, en particulier Fernández. De plus, des menaces de mort ont été proférées envers Fernández via les réseaux sociaux, par des individus liés à l’entreprise minière contre laquelle Fernández et son équipe sont actuellement en train de plaider.
  • Attaques dérivées de l’affaire Berta Cáceres : depuis l’assassinat, Víctor Fernández a notamment reçu des attaques de l’équipe juridique de la société DESA, liée à l’assassinat de Berta Cáceres, qui a lancé une campagne de diffamation contre lui et le MADJ, affirmant qu’ils ont reçu d’importantes sommes d’argent de la coopération internationale.
  • Campagnes de dénigrement initiées par les entreprises privées du secteur de l’énergie : il existe plusieurs précédents de ces attaques. Cependant, depuis septembre 2018, en raison du contexte d’organisation communautaire et d’opposition aux projets extractifs au Honduras dans lequel le MADJ et Víctor Fernández ont une influence directe notamment en tant qu’avocat des communautés, des représentants de l’entreprise privée et de l’Association des Energies Renouvelables ont accusé Víctor Fernández et son frère Martín Fernández à la télévision publique d’avoir participé à préparer et encouragé les conflits à Pajuiles, Jilamito et Azacualpa. Suite à cette campagne, qui se poursuit à ce jour, ils ont fermement demandé au ministère public d’engager des actions contre ceux qui incitent à s’opposer à leurs projets afin de leur garantir la sécurité juridique.
  • Attaques contre le MADJ via les réseaux sociaux : plusieurs profils Facebook commentent continuellement les publications de la page du MADJ et l’un d’entre eux accuse notamment Víctor Fernández d’infiltrer les communautés, de faire payer de fortes sommes d’argent et d’envoyer des tueurs à gages pour amener les communautés à s’opposer aux projets extractifs. Au cours des mois de septembre à décembre 2018, une série de photographies de Víctor Fernández a circulé avec des légendes gravées affirmant qu’il possédait des biens et d’importantes sommes d’argent provenant de son travail d’avocat.

Ce sont là quelques-unes des attaques et des formes de harcèlement permanents dont sont victimes Víctor Fernández et l’équipe du MADJ. Il est essentiel de souligner que, en pratique, les résolutions de la CIDH ne se traduisent pas par une seule mesure réelle et efficace qui diminue objectivement les risques encourus par Victor Fernández et son équipe. Dans les deux cas, elles se limitent à des mesures de police qui n’assurent aucune fonction spécifique ou efficace.

De même, au moins 80 % des attaques ont été dûment dénoncées devant les instances nationales, en particulier celles liées aux événements récents liés à Azaculpa (Copàn). Elles ont été portées à la connaissance du nouveau Bureau du Procureur Spécial pour la Protection des Défenseurs des Droits de l’homme, des Journalistes, des Communicateurs sociaux et des Acteurs de la justice. Toutefois, à ce jour, il n’y a pas eu de résultats d’enquêtes et les responsables n’ont pas été sanctionnés.

Tous ces faits démontrent que l’Etat du Honduras évolue dans un paradoxe volontaire, en déclarant publiquement une volonté politique de répondre aux risques encourus par ceux qui défendent les droits de l’homme, mais sans aucune action concrète pour la sauvegarde de la vie et de l’intégrité de ces derniers, qui mettrait fin à l’impunité des responsables des attaques qu’ils subissent.

Appel de l’Observatoire International des Avocats :

L’Observatoire tient à exprimer sa solidarité et son soutien à l’avocat Victor Fernández et à ses confrères, contraints de vivre dans des circonstances impliquant un réel danger pour leur vie et leur intégrité personnelle, face auxquelles les mesures de sécurité en place ne semblent pas offrir de garanties suffisantes. La défense des droits de l’homme devient aujourd’hui une nécessité vitale pour assurer le développement et la consolidation de l’État de droit.

L’Observatoire rappelle également que l’indépendance des avocats est l’un des principaux baromètres de la démocratie et de l’efficacité de l’Etat de droit. Il attire l’attention des autorités sur les Principes de base relatifs au rôle du barreau, adoptés lors du huitième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants, qui s’est tenu à La Havane (Cuba) du 27 août au 27 septembre 1990.

Principe 16 :

« Les pouvoirs publics veillent à ce que les avocats a) puissent s’acquitter de toutes leurs fonctions professionnelles sans entrave, intimidation, harcèlement ni ingérence indue; b) puissent voyager et consulter leurs clients librement, dans le pays comme à l’étranger; et c) ne fassent pas l’objet, ni ne soient menacés de poursuites ou de sanctions économiques ou autres pour toutes mesures prises conformément à leurs obligations et normes professionnelles reconnues et à leur déontologie.»

Principe 17 :

« Lorsque la sécurité des avocats est menacée dans l’exercice de leurs fonctions, ils doivent être protégés comme il convient par les autorités.»

Principe 18 :

« Les avocats ne doivent pas être assimilés à leurs clients ou à la cause de leurs clients du fait de l’exercice de leurs fonctions.»

L’Observatoire International des Avocats demande :

Aux autorités publiques et au mécanisme national de protection des défenseurs des droits de l’Homme, (i) de prendre toutes les mesures appropriées pour renforcer et garantir la sécurité de Víctor Fernández et des autres collègues du Large Mouvement pour la Dignité et la Justice établi par les résolutions 12/2013 et 8/2016 de la CIDH , (ii) d’adopter les mesures nécessaires pour parvenir à garantir les droits à la vie, sécurité, l’intégrité personnelle, l’intimité personnelle et familiale, l’honneur, la réputation et la libre mobilité des citoyens qui font partie de processus visant à défendre les droits de l’homme (iii) de développer les actions légales nécessaires pour enquêter, juger et, le cas échéant, déterminer les responsabilités collectives et individuelles des menaces et agressions dénoncées.

Aux Nations Unies, à l’Union européenne et aux autres organisations internationales de s’impliquer activement dans le contrôle des actions des autorités publiques en conformité avec les obligations nationales/internationales en matière de respect des droits fondamentaux et de garantie de leur exercice réel et effectif.

Aux associations d’avocats et aux organisations de défense des droits de l’homme, de rester attentives à la situation au Honduras, où l’on a assisté ces derniers mois à une série de meurtres d’avocats, y compris dans les bureaux du pouvoir judiciaire.