NICARAGUA: L’avocate María Oviedo, détenue incommunicado pendant 52 heures, et accusée d’entrave à l’exercice des forces de l’ordre
Le 29 août 2019, après plus de 10 heures consécutives de procès, l’avocate et défenseure des droits humains Maria Oviedo a été reconnue coupable, jeudi soir, d’entrave aux activités de la police au détriment du lieutenant de la Police Orteguista (PO) Oscar Lopez, qui l’a agressé verbalement et physiquement à Masaya la 26 juillet. La sentence a été rendue ce lundi 2 septembre : l’avocate a été condamnée à une peine de 30 jours de prison. Le juge lui a accordé le bénéfice du sursis de sa peine afin qu’elle la purge en liberté.
La peine de 30 jours commencera aujourd’hui le 3 septembre. L’avocate a ajouté que lorsque le tribunal a prononcé sa sentence, il a tenu compte de la perspective de genre et des conditions dans lesquelles les événements se sont déroulés. Maria Oviedo a également souligné que la sentence lui permettait de continuer à exercer la profession d’avocat.
Le 21 août 2019.
L’avocate de l’ONG Commission Permanente des Droits humains (CPDH), María Oviedo, a été arrêtée vendredi 26 juillet alors qu’elle venait effectuer une démarche dans un centre de police au Nicaragua.
Elle a été arrêtée après avoir giflé un agent qui l’avait touchée de « façon obscène » alors qu’elle accompagnait un opposant politique, libéré de prison et convoqué à la police de la ville de Masaya. Elle a alors été détenue incommunicado pendant 52 heures.
La Commission interaméricaine des droits de l’Homme (CIDH) a demandé la libération immédiate de l’avocate qui est bénéficiaire des mesures provisoires en tant que membre de la CPDH. En effet, le 27 juillet, la Commission a demandé à la Cour interaméricaine de « prendre des mesures provisoires en faveur des membres du Centre nicaraguayen des droits de l’Homme (CENIDH) et de la CPDH en raison de la situation de risque extrême au Nicaragua ».
La Commission a également rappelé au Gouvernement Ortega de cesser immédiatement toutes les détentions arbitraires et les persécutions à l’encontre des défenseurs des droits humains au Nicaragua. Elle a souligné que le Mécanisme spécial de suivi du Nicaragua (MESENI) avait pris connaissance de ces actions policières.
Depuis sa libération, l’avocate María Oviedo fait désormais l’objet de poursuites judiciaires.
Le statut protecteur qui lui a été accordé par la CIDH n’a pas été pris en compte lors de l’audience préliminaire. Lorsque l’avocat de María Oviedo a invoqué le comportement irrespectueux du fonctionnaire de police à l’encontre de sa cliente, le juge a répondu qu’il n’avait aucune preuve pour se prononcer là-dessus. Bien que l’accusation n’ait aucun fondement juridique selon la partie défenderesse, elle a été jugée recevable par l’autorité judiciaire. Le juge a pris des mesures supplémentaires en interdisant à l’avocate de quitter le pays et en l’obligeant à se présenter une fois par mois au palais de justice de Managua.
L’Union nationale des avocats et notaires du Nicaragua (UNANIC) organisera un sit-in en solidarité avec l’avocate María Oviedo lors de l’audience initiale de l’affaire, devant le troisième tribunal pénal local de Managua. Unanime, depuis la détention arbitraire de Maria Oviedo le 26 juillet, l’UNANIC s’est prononcée en rejetant les agissements des officiers qui l’ont agressée verbalement et physiquement en la poussant et en lui appliquant une clé au cou puis en l’entraînant dans les cellules.
Selon Giovanny Silva Cruz, représentant d’Unanic, la répression contre les avocats dans le cadre de leur pratique professionnelle ne cesse de croitre depuis cinq ans, notamment en raison de réformes législatives anticonstitutionnelles qui portent directement atteinte à l’exercice de la défense.
L’OIAD condamne fermement l’arrestation arbitraire et les violences exercées à l’encontre de l’avocate María Oviedo.
L’OIAD apporte son soutien à l’avocate ainsi qu’à l’Union nationale des avocats et notaires du Nicaragua et à la Commission Permanente des droits de l’Homme qui se battent pour défendre les droits humains au Nicaragua et les conditions d’exercice des avocats.
L’OIAD demande aux autorités nicaraguayennes de se conformer aux Principes de base relatifs au rôle du Barreau des Nations Unies de 1990, à savoir :
- « Les pouvoirs publics doivent en outre prévoir que toute personne arrêtée ou détenue, qu’elle fasse ou non l’objet d’une inculpation pénale, pourra communiquer promptement avec un avocat et en tout cas dans un délai de 48 heures à compter de son arrestation ou de sa mise en détention » (Principe n°7)
- « Les pouvoirs publics veillent à ce que les avocats a) puissent s’acquitter de toutes leurs fonctions professionnelles sans entrave, intimidation, harcèlement ni ingérence indue; b) puissent voyager et consulter leurs clients librement, dans le pays comme à l’étranger; et c) ne fassent pas l’objet, ni ne soient menacés de poursuites ou de sanctions économiques ou autres pour toutes mesures prises conformément à leurs obligations et normes professionnelles reconnues et à leur déontologie » (Principe n°16).